BANGUI, le 28 Octobre 2022(RJDH)----La Cour pénale spéciale en République centrafricaine rendra son premier verdict le 31 octobre 2022, une étape
BANGUI, le 28 Octobre 2022(RJDH)—-La Cour pénale spéciale en République centrafricaine rendra son premier verdict le 31 octobre 2022, une étape importante dans les efforts visant à rendre justice à l’égard des atrocités commises dans ce pays, a déclaré Human Rights Watch jeudi 27 octobre 2022.
Issa Sallet Adoum, Yaouba Ousman et Mahamat Tahir, tous membres présumés du groupe rebelle « 3R » et accusés d’être responsables d’atrocités commises en mai 2019 dans les villages de Koundjili et Lemouna, dans le nord-ouest de la République centrafricaine, sont jugés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
« Les habitants de la République centrafricaine ont longtemps subi des atrocités brutales et généralisées commises en toute impunité », a déclaré Elise Keppler, Directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Le verdict que la Cour pénale spéciale doit rendre dans le cadre de son premier procès souligne l’importance, pour les victimes de ces crimes, d’investir dans les efforts de justice. »
Human Rights Watch a documenté les attaques menées par le groupe rebelle 3R contre des civils dans les villages de Koundjili et Lemouna, et dans la ville de Bohong en juillet 2019. Au cours de ces attaques, des personnes ont été ligotées puis exécutées. Environ 46 civils ont été tués et les communautés ont fait l’objet de pillages. Ces attaques ont été perpétrées trois mois après la signature d’un accord de paix par le groupe 3R et 13 autres groupes armés.
La Cour pénale spéciale (CPS), opérationnelle depuis 2018, est une juridiction de type nouveau, composée de juges et de procureurs internationaux et nationaux. Elle bénéficie d’une aide importante de l’ONU et de plusieurs donateurs internationaux, des États-Unis et de l’Union européenne notamment. Basée à Bangui, la capitale centrafricaine, la cour est habilitée à juger les crimes graves commis lors des conflits armés successifs en République centrafricaine depuis 2003.
Le premier procès de la cour a débuté le 19 avril 2022, mais il a presque aussitôt été suspendu pendant une semaine, les avocats de la défense ne s’étant pas présentés pour des questions liées au paiement de leurs honoraires. Les avocats sont revenus au tribunal le 25 avril et ont demandé un délai supplémentaire pour se préparer au procès tandis que les discussions sur leurs honoraires se poursuivaient.
Le procès a repris le 16 mai et s’est poursuivi jusqu’en juin, période pendant laquelle les juges ont entendu les témoignages d’une trentaine de témoins. La plupart des témoins ont témoigné en personne, mais dans certains cas, quand un témoin n’était pas en mesure de se présenter devant la cour, son témoignage a été présenté par écrit, les prévenus ayant la possibilité d’y répondre.
Une demi-douzaine de témoins environ ont témoigné à huis clos en raison de la sensibilité de leurs témoignages concernant des violences sexuelles. Certaines victimes se sont jointes à l’affaire en tant que parties civiles et étaient représentées par des avocats, et certaines de ces parties civiles étaient aussi présentes en tant que témoins. Après une nouvelle suspension des débats, les plaidoiries finales se sont tenues en août.
Pendant le procès, les avocats des victimes ont fait part de leurs inquiétudes quant à la sécurité de ceux qui témoignaient en séance publique. La sécurité reste un sujet de préoccupation constante, étant donné qu’une grande partie de la République centrafricaine reste sous le contrôle de groupes armés.
Les audiences du procès ont été diffusées à la radio en français et en langues locales. Les activités de sensibilisation auprès des communautés les plus touchées par les crimes n’ont finalement pas été mises en œuvre, en partie à cause d’une crise du carburant et des difficultés liées à l’insécurité générale dans le pays.
Les questions liées aux effectifs et aux ressources restent des défis pour la cour, et sont exacerbées par les incertitudes liées à son financement et par la complexité du partenariat qui la lie à l’ONU. Un psychologue sous contrat chargé du soutien aux témoins était absent pendant au moins une grande partie du procès. Aucun conseiller juridique n’était disponible pour soutenir les juges, notamment pour faire des recherches, même si un conseiller serait actuellement en passe d’être recruté selon le personnel de la cour. Un nouveau barème d’honoraires pour les avocats a été publié le 14 juin, suite à des discussions entre le personnel de la cour, les donateurs et les avocats. Il doit permettre une augmentation des honoraires et des ressources dédiées au transport et aux besoins administratifs.
Fait positif, trois autres suspects ont été arrêtés au cours du mois dernier. Firmin Junior Danboy et Vianney Semndiro, qui ont été officiers de l’armée, sont accusés de crimes contre l’humanité présumés commis dans un centre de détention militaire à Bossembélé entre 2009 et 2013. Un ancien général de la Seleka, Abdel Kader Khalil, est quant à lui accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Tout devrait être fait pour que les fugitifs, quels qu’ils soient, se retrouvent sur le banc des accusés, a déclaré Human Rights Watch. Cette annonce fait suite à la libération surprise, après son arrestation par la CPS, d’un ministre en exercice, Hassan Bouba, par la police centrafricaine en novembre 2021. Bouba est toujours en liberté à l’heure qu’il est.
La cour n’a pas encore annoncé la date d’ouverture du second procès, mais plus d’une douzaine d’affaires font l’objet d’une enquête judiciaire selon le personnel de la cour. L’enquête judiciaire est l’étape qui précède le procès, sous réserve de l’existence de preuves.
La cour mène aussi des enquêtes en partenariat avec la Cour pénale internationale (CPI), qui détient actuellement quatre suspects pour des crimes commis en République centrafricaine. Trois d’entre eux sont actuellement en procès. La CPI peut jouer un rôle important dans la poursuite des affaires impliquant des dirigeants de plus haut rang, tandis que la Cour pénale spéciale entend mener à bien des procès qui concernent un éventail plus large d’affaires à travers le pays, parallèlement aux procès intentés devant les tribunaux ordinaires. La Cour pénale spéciale et la CPI peuvent coopérer et se soutenir mutuellement pour faire progresser l’administration de la justice, a déclaré Human Rights Watch.
« La Cour pénale spéciale est une initiative inédite visant à faire en sorte que les responsables d’atrocités soient tenus de rendre des comptes devant les tribunaux nationaux du pays où ces crimes ont été commis », a conclu Elise Keppler. « La capacité de la cour à poursuivre les affaires, à protéger les témoins, à arrêter les suspects et à travailler en coordination avec la CPI devrait faire l’objet d’un suivi attentif et être fortement soutenue afin de promouvoir la justice pour les victimes en République centrafricaine et ailleurs, où de telles cours pourraient aussi être utiles. »
RJDH
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